Top 10 2019



Pour clore une année 2019 très foisonnante en visionnages voici la liste des films de mon top 10 avec quelques commentaires pour les cinq premiers.

A noter que cette liste aurait pu accueillir High Life de Claire Denis, Utoya 22 juillet d’Erik Poppe, Amanda de Mikhaël Hers, The House that Jack Built de Lars Von Trier, First Reformed de Paul Schrader, First Man de Damien Chazelle et Miraï ma petite sœur de Mamoru Hosoda,  mais ils sont tous sortis avant 2019. Exception faite pour Millenium Actress de Satoshi Kon, découvert récemment et présent dans les mentions spéciales, qui vient enfin d’avoir une sortie en salle en France près de 18 ans après sa sortie au Japon. Mieux vaut tard que jamais comme on dit.
 
1. Ad Astra, James Gray

Monumentale traversée dans l’espace, bien plus qu’une aventure spatiale, c’est une ôde à la filiation, aux rêves inaboutis, à l’exploration, aux regrets, à la solitude et au pardon. Aller si loin pour dire à son père qu’on l’aime toujours quoi de plus beau. Depuis « The Lost City of Z » James Gray n’a pas fini d'émouvoir tant il dépasse le simple récit de science-fiction. Merveilleux Brad Pitt et Tommy Lee Jones, plaisir de revoir réunis Donald Sutherland et son acolyte déjà présents dans Space Cow-Boys de Clint Eastwood, autre vétéran du cinéma. La musique est complètement immersive, Max Richter permet au spectateur d'embarquer complètement dans cette odyssée mélancolique à la fois visuelle et sonore.

2. Joker, Todd Phillips

Superbe mise en scène de Todd Phillips et interprétation de Joaquin Phoenix. Montée en puissance du personnage, vraie métamorphose tout du long. Les jeux d'éclairages, de couleurs, le grain de l’image, atteignent une portée esthétique expressive qui augmentent la perception du basculement d'Arthur Fleck dans la folie. Il y a comme un effet de réel, en écho au mouvement "Gilet Jaune", tant le contexte explosif du récit met en exergue les tensions naissantes entre dominants et dominés, l'opposition de classes riches-pauvres et le mépris d'une certaine élite incarné ici par le père de Bruce Wayne et un présentateur vedette de télévision. Le Joker est tout à la fois : un enfant abandonné et battu, un clown, un marginal, un homme handicapé, une icône révolutionnaire. Tout le film se déploie comme la descente aux enfers d’un individu brisé et sa renaissance, où celui-ci parvient enfin à se faire une place, dantesque, dans une société à l’horizon bouché.

3. Marriage Story, Noah Baumbach 

Les scènes de dialogues entre Charlie (Adam Driver) et Nicole (Scarlett Johansson)  font état d’un ordinaire qui s’étiole, s’amoindrit, pour laisser place à toutes une palette d’expressions, tantôt rentrées, tantôt sous le feu des projecteurs. Noah Baumbach fait de ce film une pépite à la fois sombre et lumineuse, enclin à la réflexion sur le rapport dérisoire et absurde des procédures juridiques, les sommes colossales engagées dans un divorce, et la vie même. Le réalisateur parvient à articuler drôlerie et sérieux à travers un sujet qui se veut complexe, souvent abordé de manière binaire. A l’issu d’une discussion entre Charlie et son premier avocat celui-ci tente de le convaincre d’un règlement à l’amiable en évoquant une histoire drôle, Charlie l’interrompt brusquement : « Désolé Burt, mais est-ce que je paye pour cette blague ? », ce à quoi son avocat lui répond avec gravité : « Quoiqu’il puisse se passer, ce n’est que temporaire Charlie ».

4. The Irishman, Martin Scorsese

Une fresque de plus de 3h remarquablement bien mise en scène et interprétée. Scorsese semble clore une épopée, après Taxi Driver, Mean Streets, Les Affranchis, Casino, et retrouve ses acteurs fétiches, Al Paccino, Robert De Niro, Joe Pesci, toujours dans les combines mafieuses, mais cette fois-ci aux airs de baroud d’honneur. Avec les procédés du deaging on assiste à un rajeunissement des visages, celui de De Niro est assez étrange, yeux bleus mais semblant fatigués, traits lissés comme sur une pub photoshop mais corps vouté, comme un masque derrière lequel se cache en réalité le grand âge de l’acteur. Depuis les années 50, Scorsese remonte le fil du récit avec la voix off de Frank Sheeran jusqu’aux années 2000. La vieillesse et la mort rôde derrière chaque expression. Un des plus beaux moments, celui où Sheeran cherche à se faire pardonner de sa fille, ayant compris que celle-ci savait qu’il était le tueur de son meilleur ami et mentor, jamais plus elle ne lui parlera. Les personnages sont comme rattrapés par l'Histoire et le cours du temps chez Scorsese, il y a là une forme de justice et d’effacement, à l'image du dernier plan de Gangs of New-York.

5. Midsommar, Ari Aster

Ari Aster démontre une nouvelle fois à quel point il sait créer des atmosphères inquiétantes, étranges, même sous un soleil d'été, en établissant un semblant de normalité. Il en ressort des images fortes : un bûcher monstrueux dans un espace rituel pyramidal, des banquets baignés de lumière derrière lesquels se cachent une réalité sordide, des fresques d’apparences anodines mais à connotation effrayantes au regard de ce qui attend les personnages. A mesure que le film avance la situation prend une autre tournure et devient totalement cauchemardesque. 

6. Synonymes, Nadav Lapid

7. Parasite, Bong Joon-Ho

8. Dragged Across Concrete, Steven Craig Zahler

9. Alita : Battle Angel, Robert Rodriguez

10. La Favorite, Yórgos Lánthimos


Mentions spéciales :


À la série Too Old To Die Young de Nicolas Winding Refn dont l’ambiance, le rythme et l’esthétique sont en grande adéquation. Nuit électrique, lumières néons, visions psychédéliques, classe des personnages, on a envie d’y retourner. La musique de Cliff Martinez ajoute une dimension métaphysique à la série, pur western contemporain en clair-obscur, lenteur et immersion.

À la première partie démentielle de Vox Lux de Brady Corbet. Film passé quelque peu inaperçu en France qui aurait mérité une sortie en salle. Cette première moitié est tout simplement sidérante, d’une incroyable beauté et violence, sublime pourrait-on dire. Un esprit noir, chaotique erre dans les premiers plans, l’interprétation de Stacy Martin et Rafey Cassidy est excellente. Magnifique scène de chant dans l’église. Pareil pour le beau travail du directeur de la photographie. Pourtant le film s’enlise, fait naufrage avec l’apparition de Natalie Portmann. Surjeu, dialogue interminable, retour à un certain classicisme dans la mise en scène, le film bascule dans le démonstratif, le didactique et déçoit terriblement tant la première partie déborde de qualités.

À la mini série Chernobyl de Craig Mazin. Œuvre tout autant commémorative que politique, qui dénonce et parvient à redonner un visage et une parole, à ceux qui ont aidé à stopper la catastrophe. Belle réussite.

À la série The Boys de Erik Kripke. Bonne surprise, une team de superhéros en prise avec une team de héros quoi de mieux ! Très bonne interprétation de Karl Urban (Butcher) et Anthony Starr (l’infâme Protecteur), sous le charme également de Erin Moriarty (Annie/Stella). Le côté trash renforce le propos sans tomber pour autant en abuser. Savant équilibre-mélange de drôlerie et de sérieux.

À la série documentaire Gregory de Gilles Marchand. Cinq épisodes glaçants sur l’affaire Grégory Villemin. On y (re)découvre une presse carnassière et rapace, des juges y laissant leurs plumes, un bordel policier sans nom, des méthodes douteuses entre avocats, journalistes et flics, une enquête bâclée. L’affaire atteint un certain degré de noirceur tout du long, à croire qu’une malédiction plane au-dessus de Lépanges-sur-Vologne. La série retrace avec précision les différents actes de l’enquête en faisant toute la place aux témoignages comme dans le récent Fluctuat Nec Mergitur des frères Nodet tout aussi bouleversant.   

Aux huit épisodes de The Terror de David Kajganich et Soo Hugh, pour la remarquable interprétation de Jarred Harris (le capitaine Francis Crozier), aux airs de Churchill et à celle de Adam Nagaitis (quartier maitre Vincent Ropion), antagoniste barré rappelant la performance de Robert Carlyle dans Vorace d’Antonia Bird. Le cadrage et l’éclairage de certaines scènes évoquent ceux présents dans les toiles romantiques de Caspar David Friedrich et d’Horace Vernet.

À The Dead don’t die de Jim Jarmush : n’importe quoi ou foutage de gueule, un navet guindé avec quelques moments quand même poilants. « Chardonnaaaay » mais quelle trouvaille ! Il y a aussi « Cable gratuit », « Wiiiifi », « Xaaanaax » très drôles aussi. Et puis « Tout cela va mal finir » ad lib (tout comme l’infernale ballade) dixit Ronnie (Adam Driver) ayant eu accès au script de Jim. Sans parler du personnage de Zelda interprétée par Tilda Swinton et de la présence d'Iggy Pop au casting. WTF ?!! 

À Millenium Actress de Satoshi Kon. Une traversée dans l’espace-temps où se chevauchent visions passées, souvenirs d’une vie d’actrice aux trajectoires multiples occasionnées par la quête d'un amour perdu. L’histoire de Chiyoko Fujiwara, tentant de retrouver un fugitif qu'elle a secouru pendant la guerre et dont elle est tombée amoureuse. Magnifique.

À la série The Mandalorian de Jon Favreau bien écrite et tournée. Quelle fluidité dans la narration ! C’est un plaisir de retrouver l’ambiance des premiers Star Wars avec des décors non saturés en images de synthèse, des créatures qui ont à nouveau une matérialité, des dialogues bien pensés, des personnages fouillés, une vision finalement plus concrète, proche de celle de l’épisode IV, simple mais pas simpliste. La série gagne à ce titre en réalisme et profondeur et redonne à l’univers de la saga une vitalité dont il a tant besoin. 


Images : "Ad Astra" J.Gray - "Too Old To Die Young" N.Winding Refn
 
 

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