Top 10 Ciné 2024

Encore une année riche en visionnage et découvertes multiples. Pour la douzième année consécutive de ce blog voici mon top 10 réunissant les meilleurs films vus en 2024. Classement forcément subjectif, intégrant des films sortis cette année mais aussi l'année dernière, voire d'une autre décennie car découverts tardivement (le cas Jeanne Dielman). Il n'empêche que ce fut une année cinéma très foisonnante et intense, avec de nombreuses pépites. C'est donc un classement tout en ombre et lumière, carvagesque pourrait-on dire à l’image de l’affiche de La Zone d’intérêt. La part belle aux héros et hérauts ordinaires, souvent teintés d'espoir ou de ténèbre, parfois les deux. Si le chef d’œuvre de Chantal Akerman se trouve dans ce top c'est aussi pour dire que son film est d'une grande modernité au regard des réalisations actuelles, tout comme la superbe performance de Delphine Seyrig.

L'occasion aussi de m'essayer à la nouveauté avec ce top en proposant une version clip, faites de courts extraits, en plus de la traditionnelle image fixe pêle-mêle. Échouent aux portes de ce classement les excellents Here de Robert Zemeckis, Le Cercle des Neiges de Juan Antonio Bayona, The Iron Claw de Sean Durkin, (sans doute le meilleur film avec Zac Efron), Le Robot Sauvage de Chris Sanders et Le Gang des Bois du temple de Rabah Ameur-Zaïmèche. Mais il faut bien choisir...

Zac Efron dans The Iron Claw de Sean Durkin

Quelques petites déceptions et come back ratés cependant avec Joker : Folie à deux de Todd Phillips, Maxxxine de Ti West, Megalopolis de Francis Ford Coppola (megadéception) et May December de Todd Haynes (pas à son meilleur pour ma part).

Megalopolis, Francis Ford Coppola - Cesar Catilina (Adam Driver) et sa DS pilotée par son assistant (Laurence Fishburne)

Revu avec plaisir les inoxydables Donnie Darko de Richard Kelly et Heat de Michael Mann. Ai découvert sur le tard les remarquables Détroit de Kathryn Bigelow et Le Veilleur de nuit de Ole Bornedal (version 1994).

Quelques commentaires succincts accompagnent également chaque film de ce top. A noter que certains ont déjà fait l'objet d'une critique publiée sur ce blog.

En deuxième partie de cet article consacré aux meilleurs films de l'année vous trouverez les mentions spéciales regroupant quelques perles cinématographiques, des moments marquants, des scènes cocasses ou jubilatoires, des interprétations hallucinantes, bref un florilège de faits filmiques ayant durablement retenu mon attention.

TOP 10 2024

1. La Zone d'intérêt, Jonathan Glazer : Grand film, œuvre majeure sur la Shoah, point de vue qui fait froid dans le dos, design sonore ahurissant pour restituer l'horreur. Scènes de caméra thermique d'une rare intensité. Perspectives allusives et représentation d'un moloch au grand jour.

2. Perfect Days, Wim Wenders : Fresque sublime sur le quotidien d'un homme ordinaire japonais. Influences musicales pop sixties/seventies, hommage à Lou Reed. Tokyo magnifié. Mise en scène parfaite. Superbe Kōji Yakusho.

3. Le Mal n'existe pas, Ryūsuke Hamaguchi : Film d’une grande plasticité. Magnifiques cadrages et lumières, impression de calme, musique somptueuse. Fin cryptique mais hallucinante et mémorable. Scènes excellentes : la réunion de village pour proposer le projet de « glamping » (contraction de glamour et camping), la discussion dans la voiture entre les deux préposés au projet. Lenteur, durée des plans (scène du coupage de bois, travelling montrant la cime des arbres). Hamaguchi fait sentir le temps qui passe. Par opposition à la poésie des images, présence subtile du mal glissée dans le film (coup de fusil lointain, blessure à la main, goutte de sang perlant d’une épine, photographie d'une mère disparue, cerf en décomposition).

4. Jeanne Dielman, 23, Quai du commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman : Chef d’œuvre à tout point de vue. Quotidien filmé quasiment en temps réel. Impression d'un tableau d'Edward Hopper en mouvement. Aliénation, enfermement, geste rituel, routine écrasante, lumières de la ville, sons du quotidien qui fracasse, effet miroir, solitude des villes, mélancolie, regard dans le vide, temps suspendu, dérèglement, espace-temps. Film sublimé par la présence de Delphine Seyrig.

Jeanne Dielman et son double pictural, "Automat", Edward Hopper, 1927

5. The Substance, Coralie Fargeat : Mélange des genres, conte tournant à l'horreur gore. Come back incroyable et dantesque de Demi Moore. Récit sous forme de triptyque de l'enfer. Sound design et mise en scène de folie.

Ex aequo avec Smile 2, Parker Finn : Double alternatif de The Substance au niveau de la mise en scène. Naomi Scott à son meilleur. Scénario en béton armé. Parker Finn prend à contrepied le spectateur, images horribles et perturbantes, tantôt gore, tantôt drôle, le film ose presque tout et dépoussière le genre. Encore un sound design d'exception.

6. L'Innocence, Hirokazu Kore-eda : Excellente mise en scène. Film en trois parties pouvant évoquer Rashōmon de Kurosawa de part sa structure réunissant trois points de vue. Non pas ici pour faire émerger une vérité mais plutôt pour montrer la complexité des rapports à la vérité, comme les pièces d'un puzzle qui se rejoignent pour mieux mettre en lumière les causes d'un drame. Cadrages et lumières somptueuses.

7. Mon ami robot, Pablo Berger : Réalisateur du conte revisité Blancanieves, Pablo Berger signe ici un superbe film d’animation tout en simplicité et profondeur. La prouesse est de n’avoir aucun dialogue, tout passe par les gestes et les expressions, ce qui fait revenir le film au source, au cinéma muet (on pense à Chaplin, Keaton, mais aussi Ian Flemming, Phillip K. Dick, Stanley Kubrick, Stephen King, Hitchcock). Les références sont nombreuses (quelques clin d’œil à des célébrités du monde de l’art sont à relever, pour ma part j’ai repéré Jean-Michel Basquiat qui passait dans la rue, l’action se déroulant dans le New-York des années 80). Adaptation de la bd de Sara Varon « Robot Dreams », le film nous emmène dans un monde tantôt triste et chatoyant, où les attitudes animalières se superposent à la vie humaine avec autant de faciès qui nous distinguent de la multitude. Chaque personnage animal et non vivant semble unique, aussi bien Dog, Duck et bien sûr Robot. Ce film est une pépite dans toute l’histoire du cinéma d’animation, riche en émotions (magnifique scène des oisillons, des fausses retrouvailles au coin de la rue, de cette mélancolie planante sur tout New-York à la vision de la solitude de Dog et de la ville dont ses tours jumelles étaient à cette époque encore debout). Il y a de l’insouciance et beaucoup de tendresse dans l’histoire de ces personnages, qui vaut la peine d’être appréciées à sa juste valeur.

8. The Bikeriders, Jeff Nichols : Excellente interprétation de Tom Hardy, Jodie Comer et Austin Buttler, tous trois très charismatiques, ainsi que Norman Reedus qui fait un caméo inattendu et Michael Shanon perdu de vue depuis Midnight Special. Récit crépusculaire, lumière nocturne, bruit ambiant des motos, cadrage soigné, mise en scène, scénario, tout y est magnifié.

9. Emilia Pérez, Jacques Audiard : Surprenant à tout point de vue, musicalement, scénaristiquement, visuellement. Pour ma part le meilleur film de Jacques Audiard. Le casting est génial, Zoe Saldana au top, Selena Gomez pareil, mais surtout Karla Sofía Gascón, actrice transgenre, livrant une performance brillante. La métamorphose est incroyable, d'un chef de cartel sanguinaire en généreuse bienfaitrice, l’interprétation qui en résulte est d'une totale justesse. Super film.

10. Black Flies, Jean-Stéphane Sauvaire : Originalement titré Asphalt City et descendu injustement par la critique, Black Flies est l'adaptation du roman de Shannon Burke "911" paru en 2008 et 4ème long métrage de Jean-Stéphane Sauvaire. Le film traite du quotidien des ambulanciers urgentistes comme l’avait déjà fait de manière éblouissante Martin Scorsese avec À tombeau ouvert. Malgré quelques lourdeurs scénaristiques, le film vaut largement le détour pour ses interprètes (excellents Sean Penn en mentor sur le déclin et Ty Sheridan en courageux apprenti), son ambiance sonore quasi organique (sirènes, klaxon, métro, circulation, respirations, son des appareils médicaux, bruits des rues, d’appartement, des quartiers) mais surtout sa photographie (ambulance arpentant les rues de New-York, caméra à fleur d’asphalte, lumières, commerces, boutiques) tant et si bien qu’il en fait un magnifique portrait hommage de la Big Apple. Film nocturne et immersif, ses dernières minutes sont d'une rare intensité. Le générique de fin est magistral (séquence montrant une ambulance quadrillant New-York sur fond de musique wagnérienne non sans rappeler la fin du Nouveau Monde de Terrence Malick).


Mentions spéciales :

Daaaaaali ! de Quentin Dupieux, première apparition qui n'en finit pas d'Edouard Baer

A l’arrivée la plus longue et cocasse du cinéma dans Daaaaaali ! de Quentin Dupieux. Edouard Baer et Jonathan Cohen en roue libre, tous deux excellents dans leur interprétation de l’artiste. Mention spéciale à la musique entêtante de Thomas Bangalter.

Palmes du What the fuck ?? : Conann de Bertand Mandico et Miséricorde d’Alain Guiraudie : Deux ovnis en leur genre. Soit on rentre dans le délire, soit on passe son chemin. Je retiens surtout l’interprétation hallucinée de Elina Löwensohn en personnage hybride (Rainer) et celle de Jacques Develay en abbé sentencieux et burlesque proférant un long monologue à flanc de falaise (scène anthologique), ainsi que toutes les scènes de pastis et de cueillette de champignons. Difficile de ne pas exploser de rire. « Comme sur des roulettes ! ».

Conann de Bertrand Mandico et Miséricorde d'Alain Guiraudie

Best séries : Mon petit renne (Baby Reindeer). Adaptation du stand up autobiographique de Richard Gadd réalisée par Weronika Tofilska et Joséphine Bornebusch. Des sept épisodes remarquablement bien rythmés je retiens surtout la double performance de Richard Gadd, celle de porter à l’écran son histoire et celle de l’interpréter. Mais aussi le magnifique personnage de Teri incarné par Nava Mau à l’envoûtante beauté, apportant tendresse et profondeur à la série.

Nava Mau (Teri) et Richard Gadd (Donny) dans la série Mon petit renne

Monstres : L'histoire de Lyle et Erik Menendez. Deuxième saison très réussie de cette saga Netflix sur les tueurs monstrueux. L’épisode 5 est une performance d’acteur. Javier Bardem, Nicholas Chavez, Cooper Koch, Chloé Sévigny et Ari Greynor sont excellents dans leur rôle, la mise en scène n’est pas en reste non plus. Mention spéciale au premier épisode Blame it on the Rain particulièrement bien mis en scène en référence au groupe Milli Vannili.

Palme du charisme : Naomi Scott dans Smile 2 de Parker Finn et Aaron Pierre dans Rebel Ridge de Jeremy Saulnier.

Taux de charisme au max pour Naomi Scott incarnant le personnage de Skye Riley dans Smile 2 et Aaron Pierre celui de Terry Richmond dans Rebel Ridge

A l'interprétation et la chute drôlissime de Sebastian Stan en Donald Trump dans The Apprentice de Ali Abbasi. Interprétation également excellente de Jeremy Strong en Roy Cohn. Découverte du titre musical "Yes sir, I can boogie" de Baccara, entêtant et judicieusement employé ici.

Au final chaotique de Nosferatu de Robert Eggers et d’Immaculée de Michael Mohan où le personnage principal incarné par Sydney Sweeney (sœur Cécilia) pousse un cri déchirant et perturbant, tout comme le comte Orlock (Bill Skarsgard) à la toute fin du film.

Sydney Sweeney (soeur Cécilia) dans Immaculée et Bill Skarsgard (le comte Orlock) dans Nosferatu

Au film Le Garçon et le héron sans doute le plus personnel et sombre de Miyazaki. Impression de mort et de deuil tout du long (grosse référence à la toile d’Arnold Böcklin "Toten Isle"). La seconde moitié est hallucinante d’abstraction, presque hermétique. Toutes les thématiques se superposent ou se dérèglent dans une embardée narrative, avec des résistances scénaristiques, des répétitions. Vertige de l’animation, consistance, impression de labyrinthe narratif, c’est un peu le 2001 de Miyazaki.

Le grand-oncle du héros dans Le Garçon et le héron, autoportrait de Miyazaki

A la marionnette inquiétante du film d’Adrien Beau Le Vourdalak, effet glauque garanti.

Au come back réussi de Kirsten Dunst dans Civil War d’Alex Garland.

Aux révélations Mickey Madison dans Anora et Cailee Speany dans Civil War.

Kirsten Dunst interprétant la courageuse journaliste Lee Smith dans Civil War et son apprentie Jessie (Cailee Speany)

Au court et moyen métrage horrifique redoutablement efficace de Curry Barker, Chair et Milk and Serial visibles sur youtube.

Au meilleur film sur le voyage dans le temps cette année : Caddo Lake de Celine Held et Logan George proposant une alternance entre 1952, 1999, 2005, 2022, rien que ça. L'intrigue peine un peu à se mettre en place mais le résultat final est captivant et surprenant. Mention spéciale à l'excellente actrice Eliza Scanlen (Elie) qui porte le film sur ses épaules de bout en bout.

Navigation à la frontière entre le Texas et la Louisianne sur le lac Caddo, passages invisibles vers d'autres époques

Aux performances illuminées de Hugh Grant dans Heretic et de David Dastmalchian dans Late Nights with the Devil

Au scénario le plus délirant et prise de tête, It's Whats Inside de Greg Jardin où le jeu de changement de corps donne lieu à des scènes fantasques au point de s’y perdre (passage en chambre rouge pour révéler les vrais visages de chaque protagoniste, comme dans un labo photo).

Le casting de It's Whats Inside

That’s all folks ! En espérant que 2025 soit aussi riche et intense cinématographiquement que 2024, je vous souhaite, chère lectrice, cher lecteur, une belle année pleine d’heureuses découvertes. Que le dieu ou la déesse du cinéma vous donne le maximum de joies et vous apporte ce dont vous avez besoin.

Pour ma part j’attends impatiemment Hope de Na Hong-jin, They Follow de David Robert Mitchell, Eddington de Ari Aster, Mickey 17 de Bong Joon-ho, Frankenstein de Guillermo Del Toro et The Battle of Baktan Cross de Paul Thomas Anderson. Bon, j'arrête ici le name dropping ça donne le tournis.

Rendez-vous en 2025, portez-vous bien ! Prêt pour le grand saut ? ;

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