Enchanteur Chaos

L’oiseau de nuit s’en est allé. Christophe, transportant grâce à ses mélodies et paroles chantées en yopp, comme il le définissait, l’émotion, le réel, dans un ailleurs onirique et romantique. Je connaissais ses titres phares Les Mots Bleus, Les Marionnettes, Aline de sa période 60-70, mais la révélation fut pour moi son album enregistré à L’Olympia en 2002, véritable onde de choc. La durée exceptionnellement étirée de ces fameux tubes accompagnés de nouveaux arrangements, notamment au synthétiseur, une voix plus délicate que jamais, au service de l’ampleur mélodique, a reconfiguré totalement mon rapport à l’artiste.

Alors, je compris que Christophe était plus qu’un chanteur, mais aussi l'un de ceux qui aiment explorer. En réalité un créateur, se refusant d’arborer un style musical, s’affranchissant de l'uniformité. « Hors-norme » pourrait-on dire, mais affirmant surtout, à travers ses recherches sonores, ce précieux désir de liberté et d'indépendance.

Dandy assumé, vrai amoureux du cinéma, passionné d’automobiles, de peintures, fasciné par Edgard Poe et les femmes, il inspira de nombreux autres artistes dans leur quête. Au premier-plan Jean-Michel Jarre, avec lequel il cocréa Les Mots Bleus, puis, parmi ceux qui m’ont le plus ébloui, Christine and the Queens et sa magnifique reprise des Paradis Perdus, Sébastien Tellier La Dolce Vita et Bruno Dumont pour lequel il avait dernièrement créé la bande originale du film Jeanne.

Et puis il y a l’album Les Vestiges du Chaos, monumentale traversée mélancolique et crépusculaire où la voix toujours en écho, fragile et tremblante de l'artiste s’additionne, fusionne avec les arrangements électroniques de certains titres (Océan d’Amour, Définitivement), cherchant, explorant sans cesse les immensités mélodiques et poétiques (Ange Sale, E Justo), les flots sonores, ceux qui portent tout en profondeur, loin des rives spectaculaires, et qui continuent d’émouvoir.
 
Dessin : "Christophe" by me, 2020

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