Ultio Furiosa

Retour sur le cinquième volet de la saga Mad Max, Furiosa. Premières minutes captivantes. Le ton est donné dès le premier rugissement de moteur avec l’apparition de la mère de Furiosa (interprétée par Charlee Fraser), snipeuse annihilatrice, d'une résistance phénoménale, avançant en mode guérilla, prête à tout pour libérer sa fille des griffes de Warlord Dementus. Avec son casque récupéré à l'effigie d'une tête de mort et sa moto ornée d'un crâne d’auroch, ce nouveau personnage atteint en très peu de temps un niveau de charisme assez dingue. Même brûlée au quatrième degré, elle continue à se battre face à une horde démentielle de motards s'entassant bêtement dans un canyon après qu'ils eurent été cueillis un à un au sniper.

La jeune Furiosa (Alyla Browne) et sa mère (Charlee Fraser)

Film réussi visuellement avec son lot d’actions tant attendu depuis Mad Max Fury: Road (2015), Furiosa: Une saga Mad Max déploie avec toujours autant d’énergie, de nervosité, de vivacité, sa trajectoire esthétique, notamment autour des couleurs, des textures et de la mise en scène, entrepris par George Miller il y a bientôt dix ans. L’intrigue se noue dans le Wasteland (alias La Désolation) autour de trois zones de conflits : Pétroville, Le Moulin à Balles et la Citadelle d’Immortan Joe. Ambiance épique façon Guerre de Troie ou L’Odyssée d’Ulysse. Les références à la Rome antique et au péplum sont par ailleurs présentes notamment au travers des titres attribués aux personnages (le terme "prétorien" employé pour désigner un soldat d'élite) mais aussi dans les postures et l’attirail "post-apo" de l'antagoniste principal (char-moto de Dementus, cape bouffante de tribun, prise de parole au gros micro évoquant les rhéteurs romains dans leur hémicycle).

Dementus dirigeant son char (Chris Hemsworth)

Après Charlize Theron, Anya Taylor Joy reprend le flambeau impeccablement en incarnant cette nouvelle Furiosa version "Praetorian", cette dernière étant encore non héritière du titre "Imperator" (titre décerné traditionnellement aux généraux romains victorieux de retour de campagne). L'actrice du Jeu de la Dame et de Last Night in Soho reconnaissable à ses grands yeux, ici contourés pour l'occasion de peinture de guerre bleue pétrole, est très convaincante. L'intensité du regard d'Anya Taylor Joy agit pour beaucoup dans le récit chaotique de son personnage et offre par ailleurs un moment assez original participant de la complicité entre elle et le spectateur. Au troisième tiers du film, l'actrice nous prend ainsi à témoin jetant un regard caméra avant d'achever sa quête de vengeance comme pour nous dire à la manière des War Boys "Soyez témoin !".

Chris Hemsworth, n’est pas mauvais non plus en Dementus mais ne fait pas assez méchant à l’inverse du rôle que tenait Hugh Keays-Byrne dans le précédent volet. En revanche l’interprétation de Tom Burke en Praetorian Jack, personnage bien introduit dans ce nouvel opus, est excellent, tout en sobriété et en charisme rappelant habilement le personnage principal de la franchise (Max Rockatansky). D’ailleurs le meilleur moment du film arrive peu de temps après son apparition lors d'une course-poursuite dantesque imitant pour beaucoup l’une des séquences marquantes de Fury Road et de Mad Max 2. Un Porte-Guerre rutilant tout de chrome, tractant une énorme citerne ornée d’un bas-relief façon colonne Trajane ou bétonneuse de Wim Delvoye, s’élance vers Pétroville chargé en lait et en eau et se fait attaquer. S'engagent alors de furieuses joutes entre ciel et terre offrant des péripéties virevoltantes défiant l’orthogonalité de l’espace et la vitesse d'action, véritable marque de fabrique de George Miller. Effets de matières, textures, explosions, couleurs, sont au rendez-vous, un vrai régal pour les yeux.

Praetorian Jack (Tom Burke) et Furiosa (Anya Taylor Joy)

Max (Mel Gibson) dans Mad Max 2 : The Road Warrior (1981)

Mais que dire, le film se focalise trop sur son aspect visuel et sa mise en scène et pas assez sur l’émotion. Si le volet précédent était une dinguerie conceptuelle (une folle course-poursuite aller-retour dans le désert australien), Furiosa se veut plus classique et balisé. Ainsi rien de vraiment inédit, hormis sa dimension narrative plus étoffée mais qui ne parvient pas à se saisir des enjeux pour émouvoir, alors que Mad Max 2 réussissait en 1h30 à apporter une certaine dramaturgie et de la profondeur aux personnages. Ici, seule la vengeance est le moteur du film. Autre point de déception, le personnage de Dementus parait souvent ridicule, presque clownesque à contrario d'Immortan Joe et du Seigneur Humungus, ce qui nous laisse un peu de côté et fait perdre un peu de saveur et de superbe à cette vengeance. La cape de Thor de Chris Hemsworth lui colle hélas trop à la peau. Il n’y a donc pas de « grand méchant » dans Furiosa et pas assez d’enjeux, hormis celui de l'accomplissement d'une vengeance aboutissant à la transformation d’un personnage en mythe. Ce qui est déjà bien sur le papier mais le film peine à s’écarter du giron de son prédécesseur si bien que Furiosa ressemble davantage à une belle continuité visuelle de Fury Road mais sans véritable renouveau.

Furiosa, gun et V8

Derniers points quelque peu décevants : la bande originale en dents de scie de Junkie XL et le chapitrage du film un peu gadget, bien qu’il permette de rentrer dans l'histoire en donnant le ton à la manière d’un conte.

D'excellentes idées sont tout de même à souligner, notamment la mise en tension d'un rapport de force inégal tournant plusieurs fois à l'avantage de Furiosa grâce à sa ruse et sa détermination façon David contre Goliath, mais aussi la série d'épreuves qui l'attendent forgeant son statut d'héroïne, et de mythe, tel un phénix renaissant constamment de ses cendres. Le film montre aussi de manière brillante comment nait un personnage d'exception à partir d'exploits extraordinaires véhiculés par les récits et l'oralité, dont la voix-off se veut le relais. L'histoire pouvant par ailleurs varier selon les sources et se transformer selon les versions. Propos éclairé et mis en images à la fin du film lors du supplice de Dementus. 

Georges Miller du haut de ses presque 80 ans démontre une nouvelle fois avec Furiosa son tonus de réalisateur grâce à la maitrise de son art du découpage (vive le storyboard !) et de sa mise en scène. Cette nouvelle épopée post-apocalyptique tient globalement ses promesses sur la longueur. Le réalisateur d’Happy Feet dynamise et vivifie totalement la mollesse et la fadeur des films d’actions hollywoodiens actuels (le répétitif et ennuyeux The Fall Guy, Argylle, Land of Bad ou encore dans un autre genre pompier Rebel Moon - Partie 2 : L’Entailleuse).

Sans retrouver la fraicheur de la folie visuelle et les embardées détonantes de Fury Road, Furiosa s’en sort très bien mais avec une grosse impression de déjà-vu quand même, ce qui le rend de fait moins captivant. Un sixième volet de la saga est d'ores et déjà annoncé. Au vu des personnages charismatiques encore en route (Furiosa, Max) ou disparus (Praetorian Jack, Mary Jo Bassa la mère de Furiosa ou Nux le warboy repenti), la saga promet tout de même de nombreuses pistes de développement épique.

Crédit images : Furiosa : Une saga Mad Max, George Miller, 2024

Commentaires

Articles les plus consultés