Super Tom : l'icône en souplesse

Je ne pensais pas revoir avec plaisir Mission impossible : Dead Reckoning et prolonger ce réenchantement avec sa deuxième partie The Final Reckoning sortie récemment au cinéma. Dense, virevoltant, drôle parfois et diablement bien rythmé, ce huitième et peut-être dernier volet avec Tom Cruise (on en doute) offre de l’action pure à tout bout de champ avec de remarquables instants de bravoure comme le faisait déjà le précédent opus.

A voir le sexagénaire hollywoodien faire des pirouettes sans doublure avec tous types de moyens de transport, courir partout, même à l’intérieur d’un sous-marin ou sur le toit d’un aéroport, sauter dans le vide des plus hauts sommets, on en vient à se dire que l’acteur le plus « bankable » des États-Unis est décidément inoxydable. Tom Cruise est capable de supporter à lui tout seul le poids d’une franchise, même le poids du cinéma (retour massif du public en salle grâce à Top Gun : Maverick après une période Covid ayant fait des ravages). Ce qui lui vaut une aura quasi christique. Son seul visage balafré en gros plan de face en noir et blanc suffit à faire une affiche de film et à attirer les foules. Mais revenons à ses deux derniers métrages formant un diptyque de grande ampleur faisant le point sur presque trente années de bons et loyaux services auprès de son personnage émérite, Ethan Hunt.

Raccourci en haute montagne pour E.H souvent synonyme de cascades

Doté d’une excellente b.o le septième volet est encore meilleur que dans mon souvenir et cumule tous les ingrédients du genre. Mention spéciale à la folle course poursuite à bord d’une fiat 500 jaune à Rome toujours aussi efficace et drôle et à la scène finale de l’Orient-Express, une dinguerie visuelle qui emporte tout sur son passage. Des profondeurs de l’océan au plus haute montagne autrichienne, par bateau, avion, auto, moto ou en train, Ethan Hunt n’a jamais paru aussi tenace et sous pression. Tout y est en terme d’actions : duels, manipulations, trahisons, infiltrations, évasions, courses-poursuites, cascades. En outre ce Dead Reckoning bénéficie d’un casting féminin exceptionnel avec Vanessa Kirby, Pom Klementief, Rebecca Ferguson et Hayley Atwell auxquelles le réalisateur Christopher McQuarrie donne de vraies places d’héroïnes en les rendant toutes charismatiques par leur implication dans le récit.

Course sur l'Orient-Express dans MI : Dead Reckoning par Christopher McQuarrie, 2023

Si Mission impossible : Ghost Protocol (Brad Bird) et Fallout (Christopher McQuarrie) avaient déjà mis la barre haut en terme de cascades et donné lieu à des séquences magnifiques (saut à 500 m du sol en haut du Burj Khalifa, course en pleine tempête de sable, saut en parachute au dessus du grand Palais), Dead Reckoning offre quant à lui un spectacle à couper le souffle, coloré et à l’esprit ligne claire (que l’on peut imputer à l’influence de Brad Bird, ex-animateur chez Pixar), battant à plate de couture les deux derniers James Bond et la franchise John Wick paressant bien ternes et brouillonnes à côté. Avec Christopher McQuarrie l’essence de la saga MI est on ne peut mieux respectée et même renouvelée grâce notamment à un rythme haletant qui s'était déjà brillamment illustré dans MI 3 de J.J Abrams où Ethan Hunt était confronté à l’un des plus grands méchants de la saga interprété par le regretté Philip Seymour Hoffman auprès duquel Tom Cruise avait déjà donné la réplique dans Magnolia.

L'art de la cascade, Tom Cruise dans MI : Protocole Fantôme de Brad Bird, 2011

Dans Dead Reckoning le flambeau est repris par Esai Morales (Gabriel), un ancien ennemi d’Ethan Hunt prêt à tout pour contrôler une intelligence artificielle au doux nom d’« Entité ». Mission impossible : The Final Reckoning suit logiquement les pas de son prédécesseur sans faire de trop grands écarts. La nette différence c’est que Tom Cruise y apparaît clairement déifié, tel un superman à l’ère ChatGPT ou un demi-dieu rocambolesque, l’unique sauveur de l'humanité c’est lui ! Assisté bien sûr de son équipe. Cet aspect peut prêter à sourire de prime abord, tant le film joue sur l’exacerbation de tous les archétypes, au point parfois d’en devenir abscons ou risible, mais le personnage principal (tout comme l’acteur d’ailleurs) atteint un tel degré d’iconicité à travers ses impossibles péripéties que l’on ne peut qu'être conquis.

Un trio soudé : Ethan Hunt, Grace (Hayley Atwell) et Benji Dunn (Simon Pegg)

Luther Stickell (Ving Rhames) et Ethan Hunt (Tom Cruise), amis coéquipiers depuis 1996

Bien que très bavard, The Final Reckoning est donc un excellent MI dans la même veine que le précédent avec deux scènes d’actions magistrales et anthologiques. La première : la plongée dans l’océan arctique vers le sous-marin Sébastopol (lieu où réside le code source de la super IA). Moment de suspension intense, jeu avec la montée des eaux, scène totalement muette, avec un final splendide où Tom Cruise se retrouve filmé en position fœtale au moyen d’une camera pivotante pour présenter le revers de la banquise comme un écrin. Scène d’une rare beauté enchaînant avec un plan sur le personnage de Grace (magnifique Hayley Atwell) sauvant le héros des eaux glacées. L’autre scène spectaculaire est la course-poursuite en avion : deux biplans survitaminés, l’un jaune, l’autre rouge, avec à son bord Gabriel le méchant des deux opus, et dans l’autre Ethan Hunt, tentant de le poursuivre et de s’agripper vaille que vaille aux moindres rebords de l'avion. Cela donne lieu à des cascades d’une rare intensité immédiatement marquantes.

 

Bien qu’ayant pris quelques rides (ça se voit quand même, faut pas pousser), l’acteur hollywoodien parait toujours en forme. Tom Cruise démontre avec toujours autant d'audace et de vitalité son engagement total dans cette fiction cinématographique de presque 30 ans qui l’a vu naître en tant que "stuntman" et homme à tout faire.

La date clef du 22 mai 1996 est d’ailleurs mentionnée comme le signe d’un retour aux sources puisque c’est précisément à cette date qu'est sorti le premier Mission impossible réalisé par Brian De Palma. L’émotion est aussi palpable dans ce culminant huitième volet, avec une scène de séparation à Trafalgar Square sur fond de variations mélodiques issues du thème phare emprunté à Lalo Schifrin. Petit pincement au cœur de quitter tous ces protagonistes émérites réunis autour de la figure désormais mythique d’Ethan Hunt. Mais la saga n’est sans doute pas terminée, tant elle semble avoir de nouveaux héros-héroïnes et d’innombrables ressources en se basant sur l’état du monde. Ce Final Reckoning bien que complètement fourre-tout dans sa structure narrative et parfois inutilement bavard, est grand, généreux et superbement efficace. 

Images : Mission impossible : Dead Reckoning, Christopher McQuarrie, 2023 / Mission impossible : The Final Reckoning, du même réal., 2025 / Mission impossible : Protocole Fantôme, Brad Bird, 2011

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