Réservoir Pop
Troisième et dernier volet (à priori) de la trilogie de Ti West, Maxxxine vient clore les mésaventures sanglantes et cinématographiques de Maxine Minx (toujours interprétée par Mia Goth), opérant ici sa mutation, de star du x à star du slasher se rêvant de franchir les portes [de l'enfer] d'Hollywood. Le film commence d'ailleurs par une citation de Bette Davis, souvent désignée par la presse comme « monstre sacré » du cinéma hollywoodien, immense actrice surtout, réputée pour sa forte personnalité et son côté cash sur le monde des paillettes, annonçant ceci : « In this industry, to become a star, you have to be a monster » (« Dans cette industrie, si tu veux devenir une star, tu dois devenir un monstre »). Le ton est donné.
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Bette Davis |
Mais ce troisième volet n'offre guère de surprises et se révèle quelque peu décevant car largement en deçà de l'inventivité des deux premiers. Même si Maxine garde son côté badass, le scénario et les dialogues deviennent ennuyeux à la longue, cette histoire de tueur en série qui rode (The Night Stalker) est une bonne idée de départ mais tombe à plat lorsque son identité est révélée.. C'est sans surprise et suspense alors qu'il y avait matière à l'entretenir.
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Maxine Minx (Mia Goth) |
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Ti West devant la maison de Psychose |
Chez Ti West on peut tout de même se consoler avec l'abondance de références cinématographiques et de nombreux grands noms, presque trop. Relevons au passage ceux d’Alfred Hitchcock (référence majeure pour le réalisateur), Judy Garland, John Carpenter, Brooke Shields, Brian de Palma tous très cités. Et puis il y a aussi l'évocation de toute une époque, ici les années 80, reconstituées pour l'occasion de manière précise en terme d'ambiance, c'est peut-être là le point fort du film. Les accessoiristes et décorateurs de Ti West s'en sont donnés à cœur joie en rendant vraisemblable le Los-Angeles de 1985 tout en travaillant les tenues, le style vestimentaire (cuir et jeans reviennent souvent), les coupes de cheveux, les éclairages au néon (enseignes clignotantes tapissant tous les coins de rue), le maquillage, si bien qu'on se croirait devant une parodie de film eighties à la manière de Kung Fury de David Sandberg. Multiples clins d’œil aux looks rétro et à la mode peut-être trop affirmés, mais cohérents par rapport à l'esprit kitsh et giallo du film.
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Liz Bender (Elizabeth Debicki) |
Même si le cinéma d'horreur imprègne toute la trilogie de Ti West comme évoqué dans un précédent article, Maxxxine a sans doute plus de liens avec les thrillers néo noirs (Le Solitaire, Maniac, La Chasse pour leurs ambiances nocturnes à couper au couteau et leurs bandes-sons) et les grands films cryptiques névrosés (Mulholland Drive, Lost Highway, Twin Peaks et Under The Silver Lake pour leur aspect mystérieux et cauchemardesque) qu’avec les purs slashers (Halloween et consorts).
Car sous ses airs de film sanguinolent, Maxxxine tient en fait un propos liminaire sur les bas-fonds d'Hollywood, l'envers du décors derrière la fascination, la face lugubre derrière le rêve hollywoodien, qui broie, qui fragilise. « Pour devenir star il faut être un monstre » dit la phrase de Bette Davis en introduction, mais de quel monstre s'agit-il ? Un monstre indomptable, pétri d'orgueil, un monstre de sincérité, ou un monstre de sagesse et de courage ? Une chose est sûre, les étoiles qui s'aventurent dans ce monde d’apparence sans prendre gare, sans mesurer cette dualité intrinsèque liée à la notoriété, l'argent, la consommation, le spectacle, la gloire, peuvent être totalement absorbées, dévorées, au point de disparaître prématurément. Warhol l'avait bien compris en faisant sa série de portraits sur Marilyn.
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Les affiches des films Thief de Michael Mann, Maxxxine de Ti West et Cruising de William Friedkin |
Sans être grandiloquente, mention spéciale à la bo du film composée par Tylor Bates qui plonge direct dans l’ambiance, là aussi quelques références se font sentir (Tangerine Dream, Brad Fiedel, Angelo Badalamenti). Certains morceaux sont excellents comme "Funicular Ride", "Elizabeth Bender", "Backlot Chase".
Quelques scènes à retenir : la course-poursuite dans les studios, la séquence finale où Maxine se rend à une « Hollywood party » dans une demeure à l'allure de crypte, fin Tarantinesque ou Robertmitchellesque, hauteurs d'Hollywood plongées dans l'obscurité avec Los-Angeles en toile de fond rappelant instantanément Mulholland Drive mais aussi Terminator par la bande-son. Plan final forcément impactant, pas à la hauteur de Pearl quand même, mais automatiquement iconique.
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Los Angeles by night, scènes de Terminator de James Cameron et Mulholland Drive de David Lynch |
Même si ce troisième volet n'est pas aussi bien écrit et mit en scène que les deux précédents (précisons qu'ils furent d'ailleurs tournés consécutivement), il n'en demeure pas moins que Maxxxine offre de nombreuses réjouissances visuelles et sonores, ainsi qu'un vivier de références hétéroclites jetant des ponts vers de grands films que le cinéphile aguerri pourra s'amuser à repérer. C'est là son atout le plus sûr en dépit de son manque de rigueur scénaristique.
Images : Maxxxine, Ti West, 2024 / Thief (Le Solitaire), Michael Mann, 1981 / Cruising (La Chasse), William Friedkin, 1980 / Terminator, James Cameron, 1984 / Mulholland Drive, David Lynch, 2001
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