Attack on the Windmill
Des références classiques (L'Homme de L'Ouest, Le Convoi des Braves, Le train sifflera trois fois) aux références "spaghettis" des trois Sergio (Il était une fois dans l'Ouest, Le Grand Silence, The Big Gundown) sans oublier le contemporain et foisonnant Django Unchained, vibrant hommage aux autres, les westerns m'ont toujours fasciné.
Cette fascination pour l'action des grands espaces occasionna un jour la découverte d'un site singulier : une ancienne sablière à Art-sur-Meurthe, village non loin de Nancy, offrant un espace rappelant ceux de mes westerns. L'endroit quasi désertique portait une somme d'évocations chères au genre tant sa configuration rappelait la solitude des paysages de cow-boy. La fiction était possible. Dans le cadre d'un projet de fin d'étude aux Beaux-Arts de Nancy en 2005, j'entrepris alors de raconter une histoire basée sur la découverte de ce site oublié et atypique.
Plantée au beau milieu du terrain abandonné, une bicoque en ruine dont je n'ai jamais vraiment su l'utilité au moment de réaliser le film (j'appris plus tard dans un article de l'Est Républicain qu'il s'agissait en réalité d'un ancien transformateur électrique). L'architecture isolée dans ce décor en friche laissait la place à l'invention d'une histoire mais aussi à d'autres constructions imaginaires. L'image du cow-boy, des chevaux, du ranch, codes emblématiques de l'Ouest sauvage, étaient devenus le point de départ d'un travail in-situ mêlant réalité et fiction. Ainsi est né Attack on the Windmill, vidéo-film parodique de cinq minutes s'inscrivant dans ce contexte improbable, décalé. Quelques maquettes incrustées, un cow-boy lorrain pratiquant le horse-ball (Thomas Peschel), et l'installation de clôtures en bois et d'une vraie enseigne dans le "décor" permirent la conversion de la sablière de l'Est en plaine de l'Ouest. Un jeu de détournement et de réinvention historique investi par le récit d'une attaque d'éolienne, ayant pour conséquence la perte de courant dans un village.
Ce geste diégétique aurait pu passer pour anachronique si l'action s'était déroulée avant 1887 (date de construction du premier moulin à vent utilisé pour la production d'énergie électrique) mais il était en réalité cohérent et clairement affilié aux récits de type "attaque de banque, de convoi ou de train", premières sources d'inspiration des pionniers de l'industrie cinématographique lorsque la conquête de l'Ouest était à peine terminée.
S'associant au travail du montage et à la préproduction, l'autre "ingrédient" symbolique pour compléter la panoplie du paysage meurthe-et-mosellan afin de le faire ressembler à un "vrai" paysage de western, fut le montage sonore. De la musique évoquant certains thèmes d'Ennio Morricone (composée par Mathieu Regnault) aux sons divers, dont le seul enregistré en direct fut le galop du cheval, en passant par l'enregistrement de la voix-off new-yorkaise incarnée par Kenneth Wall, toute la matière sonore concourut à faire référence aux classiques du genre en même temps que de rendre hommage aux westerns.
Le matériau de base ayant servi à réaliser l'introduction d'Attack on the Windmill puisait sa source dans un document d'archive traitant d'une polémique à propos de l'attribution du nom du village d'Art-sur-Meurthe dont l'origine remontait à l'Antiquité. On pouvait lire que le toponyme avait moult fois évolué au cours du temps depuis 770. Pour l'anecdote, en 1921 le maire de l'époque, M.Perrin, Baron de Brichambaut, avait voulu changer le nom du village pour celui d'Arc-sur-Meurthe afin d'augmenter sa notoriété en faisant référence au père de Jeanne d'Arc, Jacques d'Arc, qui y serait né à la fin du XIVème siècle avant d'aller habiter Ceffonds, mais aussi à la maison familiale construite par le grand-père de Jeanne dans le village, située à côté de l'église. Cela causa des heurts assez importants qui obligèrent le maire à démissionner. Le nom du village resta toutefois inchangé n'ayant pas reçu l'aval des habitants.
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Imprimé d'archives sur la toponymie du village d'Art-sur-Meurthe (1922) |
Un court paragraphe faisait également mention des activités du village au XIXème siècle, où l'on apprenait sans surprise que celui-ci s'était fortement urbanisé durant la période de la révolution industrielle en parallèle de la conquête de l'Ouest. Par la traduction en langue anglaise de son récit original cette mise en relation de l'ancienne sablière avec le genre western tout entier eut pour effet de produire un décalage historico-géographique, burlesque autant que parodique, dans un esprit finalement assez proche de celui de Don Quichotte.
Enfin pour donner un caractère authentique à l'image et faire référence au premier western américain The Great Train Robbery (réalisé en 1903 par Edwin S. Porter), le court-métrage fut mis en noir et blanc. Un choix finalement plus technique qu'esthétique voué surtout à renforcer l'unité du décor et à atténuer les défauts d'incrustation.
Après une matinée de tournage sous un ciel gris, les plans gardaient en réserve l'espace réel prêt à être transposé en fiction.
Photos : images du tournage "Attack on the Windmill", 2005 / photogramme "The Great Train Robbery", 1903, E.S.Porter
lieu de rencontre ou lieu d'errance?
RépondreSupprimerce moulin qui tourne sans rien pour accrocher le vent est intrigant...
bises