Top 10 2022
1. Jibaro, Alberto Mielgo
2. Armageddon Time, James Gray
3. The Green Knight, David Lowery
4. Nope, Jordan Peel
5. The Northman, Robert Eggers
6. Le Sommet des Dieux, Patrick Imbert
7. Blonde, Andrew Dominik
8. The Batman, Matt Reeves
9. Belle, Mamoru Hosoda
10. Les Passagers de la Nuit, Mikhaël Hers
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Premier de ce top, le court-métrage d’animation Jibaro du réalisateur espagnol Alberto Mielgo faisant parti de la 3ème saison de la série Love, Death and Robots. Hallucinant et percutant, le film est un précis de fantasy punk où s’opposent poésie et violence à travers la rencontre entre une sirène et un bataillon de chevaliers. Les mouvements de caméra, les textures, les jeux d’éclairage sont remarquables conférant une certaine folie visuelle à l’ensemble. La séquence de la danse de la mort est particulièrement sidérante.
Armageddon Time est un film en simplicités d’une rare intensité dramatique. Le duo Paul et Johnny est formidable, émouvant, tout
autant qu’Aaron le grand-père de Paul interprété merveilleusement par Anthony
Hopkins et sa mère, Esther (Anne Hathaway). Le film montre le début des années
80 comme le début des ténèbres, avec le racisme en toile de fond, ancré depuis
toujours jusqu’à aujourd’hui. C’est un film sur le temps, sur les rêves, sur le
fait de se battre pour défendre ceux qui sont victimes d’injustice. Il y a une
scène magnifique où Paul dit au revoir à Johnny avant de quitter le
commissariat, en réalité un adieu, filmé au ralenti avec la caméra qui
s’éloigne donnant l’impression que toute la cellule de garde à vue est un wagon
quittant son quai. La mise en scène de James Gray est par ailleurs d’une
maitrise absolue. Limpide et éblouissante.
The Green Knight, œuvre allégorique et symbolique sur la quête de Sir Gauvain. David Lowery dans la continuité de son travail sur A Ghost Story propose une relecture contemporaine du roman de chevalerie, loin des clichés et du grand spectacle.
Quatrième de ce top, Nope. Pour son troisième long métrage, Jordan Peel se révèle en réalisateur de génie capable d’allier l’histoire du cinéma, le fantastique, la science-fiction, le western, l’horreur et le drame. Des images surréalistes traversent le récit de bout en bout avec une montée en puissance du suspense (façon hitchcock, incroyable bâtisse plantée au milieu de la pampa américaine aux airs de Psychose). Le final est splendide. Les acteurs sont géniaux, mentions spéciales à Daniel Kaluuya et Keke Palmer, tous deux drôles et émouvants. Plans panoramiques magnifiques, rythme aux petits oignons, éclairages fabuleux, montage au top.
The Northman est un film halluciné aux accents shakespeariens et blakiens (Macbeth, Hamlet, La nuit de la joie d'Enitharmon, La Pitié), où se superposent Histoire et fantastique, tout comme le faisaient déjà The Witch et The Lighthouse, du même réalisateur. Robert Eggers dépeint un monde en perdition, en proie aux trahisons et aux visions d’horreur, entre croyance et sauvagerie, entre fureur et grâce, du sommet de l’Yggdrasil au seuil de l’enfer.
Le Sommet des Dieux, adaptation éponyme du manga de Jiro Taniguchi, dont la réalisation française témoigne du grand respect pour tout l’oeuvre de l’auteur, déjà démontré graphiquement par Jean Giraud (Moëbius) à travers sa collaboration pour Icare en 2005. Récit solaire, non sans gravité, sur le dépassement de soi, la mémoire, et la contemplation.
Blonde : Partagé à la fin entre excellent et juste très bon, le jeu d’Ana de Armas apporte tant au film qu’il est difficile de ne pas trouver l’ensemble bouleversant et magnifique. Ce qui est dommage c’est que la mise en scène soit souvent trop appuyée par des artifices visuels, des alternances forcées entre noir et blanc et couleur par exemple, mais les éclairages sont somptueux et les jeux de cadrage tout autant. Bande-son remarquable également.
The Batman : Introduction affolante,
triangulation des points de vue, Gotham poisseuse, course-poursuite magistrale,
phares, feux, silhouettes, nuit, jusqu’à l’aube échappée.
Belle : Mamoru Hosoda signe une pépite rappelant sans trop d’évidences le célèbre conte La Belle et la Bête ainsi que les autres animés traitant des mondes virtuels (Summer Wars du même auteur, Sword Art Online de Reki Kawahara). Les chansons de Belle sont hypnotisantes, on en ressort ébloui par tant de profondeur et de simplicité, caractéristiques du cinéma d’Hosoda. Le grand secret du film réside en sa capacité à transformer le deuil en chant d’espoir, mais aussi à ne rien miser sur les apparences. Traduit littéralement le titre original, plus féérique, Ryu to sobakasu no hime marque la dualité tout comme le titre du conte d’origine devenant ici Le dragon et la princesse aux taches de rousseur.
Les Passagers de la Nuit, titre « train fantôme », magnifique récit de Mickael Hers. Interprétations lumineuses et sensibles de Charlotte Gainsbourg (Elisabeth), Noée Abita, beauté fragile (Talulah) et Quito Rayon Richter (Mathias). Les espaces de vie sont sublimés (quartier de Beaugrenelle). La lumière de la ville est d’une grande expressivité, néons, fenêtres éclairées, lampadaires des rues. Retour à l’émotion, la douceur et la chaleur qu’il y avait déjà dans son précédent film Amanda. Œuvre sur le temps, la famille, la reconstruction, les souvenirs.
Méritent d’être mentionnés :
La Nuit du 12,
de
Dominik Moll : Excellente mise en scène, l'interprétation de Bastien
Bouillon et Bouli Lanners tient immergé tout du long dans ce
thriller glaçant. Les scènes nocturnes, d’un noir très profond, sont
dignes de Morse de Tomas
Alfredson, rappelant
également pour son décor naturel montagneux la série Les Revenants de
Fabrice
Gobert. On est au cœur de la pj dans une affaire sordide dont on sait
dès
le début qu’elle peut ne pas être résolue. Le suspense est maintenu
grâce notamment à un découpage très minutieux et un montage extrêmement
bien rythmé.
The Very Pulse of the Machine : Autre réussite de la saison 3 de Love, Death and Robots. Merveille sonore et visuelle réalisée par Emily Dean.
Elvis : Une mise en scène remarquable. Baz Luhrman à son meilleur. Le point de vue choisi est audacieux et surprenant, ce qui rend d’autant plus attrayant ce biopic flamboyant à l’image de Moulin rouge et The Great Gatsby. Une réussite. Mention spéciale à Tom Hanks en producteur véreux et au jeune interprète Austin Butler, sans oublier le charismatique et sous-estimé Dacre Montgomery.
Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, film d’une grande vitalité, solaire, drôle et touchant. L’amour filmé comme une échappée virevoltante, dont la trajectoire est faite d’une multiplicité d’embranchements sans qu’aucun ne soit réellement celui auquel on s’attend. La séquence du camion est unique en son genre.
The Innocents : Film sur l’union des solitudes et la cruauté. Tension palpable tout du long vers un final implosif. Immersion dans une banlieue nordique où les superpouvoirs n’ont jamais été représentés de manière aussi concrète et subtile à la fois, hormis peut-être dans Morse. Impression de drame surnaturel à hauteur d’enfants, non loin des codes du western. Références multiples à Thelma, Chronicle, Le Ruban Blanc, Le Village des Damnés, Poltergeist, Midnight Special et les clips de la trilogie Wait de M83. Eskil Vogt raconte l’histoire de ses jeunes personnages comme s’ils étaient attirés et dépassés par une force incommensurable égale au vide ou à l’infini.
Le Jeu de la Dame : Excellente série réalisée par Scott Frank. Merveilleuse Anya Taylor Joy (Beth Harmon), supers Harry Meiling (Harry Beltik), Jacob Fortune-Lloyd et Thomas Brodie-Sangster (Ben Watts). Ce casting formidable allié à une mise en scène canon va droit au but sans esbroufe. L’émotion est palpable à de nombreux moments. Bravo !
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