L'âme de Marilyn

 

Pour entamer l'année 2024 quelques photos de l’exposition sur Marilyn vue récemment : « L'Expérience Monroe » à la galerie Joseph située dans le 3ème arrondissement de Paris. Prolongée jusqu'au 14 janvier cette exposition est constituée de nombreuses photographies de Milton Greene, ami intime de l'actrice et confident, mais aussi de plusieurs interviews de spécialistes ou de proches, notamment celle d'Amy Greene, épouse du photographe, d'extraits diffusés d’une pièce de théâtre hommage (Marilyn Monroe, confession inachevée, réalisée par Stéphanie Sphyras et Benoît Nguyen Tat, adaptation du livre autobiographique inachevé écrit par Ben Hecht sous la dictée de Marilyn) et d'une expérience immersive en réalité virtuelle.

Pensée comme un récit transmédia, cette exposition fut l'occasion de creuser davantage le sujet et de faire évoluer mon avis sur l’emploi du casque VR, objet quelque peu gadget dont l’usage et l’image peine à sortir des girons vidéoludiques. En plus de la grande qualité des photographies exposées, mettant en valeur l’éternelle beauté de Marilyn ainsi que certains moments clefs ou anodins de sa propre existence (notamment ses différentes rencontres masculines de Joe DiMaggio à Arthur Miller), l’exposition témoigne grâce à un fil conducteur constitué de vignettes agrandies du roman graphique de Sandrine Revel (extraites de l’album bd Marilyn Monroe, confession inachevée) de la place importante que Marilyn occupe dans les esprits, au-delà de son histoire hollywoodienne et tragique. Les photos de Milton Greene mettent ainsi l’accent sur une Marilyn désicônisée, loin des regards d'Hollywood, des affiches de film, des images de modes, des plateaux de cinéma, tels les coulisses de la vie d’une star, où celle-ci se révèle accessible, fragile et mélancolique. Et l’on découvre à quel point le lien entre elle et son photographe était intime pour faire tomber le masque et se laisser aller.



Et pourtant, par sa beauté et une forme d’innocence, cela reste une icône, une madone du vingtième siècle, qui continue d’exercer une fascination populaire, sans doute pour des siècles encore alors que sa vie fut brève. Il y a comme un paradoxe, une aporie : comment Marilyn peut être à la fois admirée en tant qu’icône et femme de son époque ? Elle est les deux, son histoire s’adresse à tous, appartient à tous, comme un grand récit intime populaire qui nous parle, nous accompagne à certains moments comme pour mieux nous faire sentir le réel derrière le rêve et réciproquement.

Marilyn et Laurence Olivier, avril 1956

En cela l’expérience immersive dans l’œuvre en réalité virtuelle réalisée par Gaële Misiak parvient à donner une merveilleuse réponse visuelle et sonore. En combinant l’image de sex-symbol et de femme fragile à travers la représentation d’un corps astral constitué de milliers de particules s’agrégeant et se désagrégeant par interaction avec l’espace réel, l’œuvre interactive réussit à donner une certaine unité à ce qui semblait insoluble. Pendant quinze minutes la voix de Marilyn nous guide dans sa chronologie, prenant la forme d’une âme chaleureuse et bienveillante. Elle nous raconte sa naissance, ses rencontres, ses joies, ses douleurs, et sa fin. Séquence assez spectaculaire d’un champ de bataille avec trajectoires des balles au ralenti (rappelant l’effet « bullet time » de Matrix), référence au moment où Marilyn rend visite aux G.I en Corée pour leur remonter le moral le 16 février 1954.

Autre moment marquant, l’apparition de sa silhouette agrandie modélisée en 3D, tel un hologramme géant ou une statue numérique sortant du sol à travers laquelle se retrouvent les notions d’idéal féminin et de vénération. Mais l’aspect le plus sensible et ténu de cette immersion provient de la voix de Marilyn, ici comme un murmure qui nous embarque dans son intimité, nous confiant ses désillusions et sa mélancolie tout comme le faisait déjà l’émission radiophonique Marilyn, dernières séances, adaptation de Michel Schneider basée sur le rapport entre Marilyn et son psychanalyste Ralph Greenson.

Illustration de Sandrine Revel pour le roman graphique Marilyn Monroe, confession inachevée

Au détour de son autobiographie inachevée, conservée précieusement par Milton Greene pendant de longues années, on peut relever la phrase suivante : "A Hollywood, la vertu d'une jeune fille a beaucoup moins d'importance que le style de sa coiffure. On vous juge sur votre apparence, pas sur le reste. Hollywood, c'est un endroit où on vous offre mille dollars d'un baiser et cinquante cents de votre âme. Je le sais, j'ai assez souvent refusé la première proposition et tenu bon pour les cinquante cents."


 
Photos de l'exposition L'Expérience Monroe : Milton Greene

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